Stan Delbarre, Boat Captain de Maître CoQ V

18 août 2023

Fort d’une riche expérience de la navigation sur toutes les mers du globe, Stan Delbarre, qui a œuvré à des postes clefs au sein de nombreuses équipes de course au large par le passé, a rejoint l’écurie Maître CoQ en tant que Boat Captain du 60’ IMOCA et intégré YB Sailing, la structure de Yannick Bestaven, un an avant le départ du dernier Vendée Globe remporté par ce dernier.

Quel est ton rôle au sein de l’écurie Maître CoQ ?

Je suis le Boat Captain de l’IMOCA Maître CoQ, donc le capitaine du bateau à terre. Avec Jean-Marie Dauris, qui est le Directeur Technique du Team et s’occupe de la performance du bateau, on se passe les clefs du bateau au moment des navigations. Je m’occupe de la partie technique du bateau en chantier et tout le reste de l’année en période d’avant course et en suivi de course. Jean-Marie prend le relai sur la partie technique en mer car je suis de moins en moins sur les navigations. On travaille en binôme : lui sur l’eau et moi à terre. Je manage une équipe de six permanents et les intervenants externes qui viennent faire des piges sur les chantiers ou lors d’interventions diverses au cours de l’année. On gère tous les aspects techniques du bateau : voiles, gréement, composite, mécanique, hydraulique, avec en renfort des techniciens plus spécialisés dans d’autres domaines tels que le matelotage et l’électronique. Je m’occupe aussi de la maintenance et la tenue du chantier à La Rochelle.

A quoi ressemblent les journées pendant les périodes de chantier ?

On entretient Maître CoQ V on travaille sur les évolutions à apporter et des détails importants tels que l’ergonomie et le repos à bord. On fait aussi en sorte que tout fonctionne et vieillisse bien en faisant un contrôle permanent pour détecter d’éventuelles usures, les petites choses qui se seraient cassées ou desserrées. Un chantier demande beaucoup d’anticipation. Plus on anticipe les choses, mieux le chantier se passe. La préparation, c’est du non-stop d’un Vendée Globe à l’autre. On peut optimiser en permanence !

Et en dehors ?

Pendant que le bateau est sur l’eau, on établit en amont une job list bien spécifique des interventions que l’on doit faire. Ces dernières sont chiffrées en temps et en personnel pour que le temps d’immobilisation à terre ne dure pas plus longtemps que prévu. On commande aussi toutes les pièces dont on aura besoin afin d’être prêts à travailler dès que le bateau nous est confié.
Par ailleurs, il y a une préparation plus spécifique avant les départs de course. Il est obligatoire d’être présent sur les Villages de départs pendant une période définie afin de partager avec le plus grand nombre nos superbes bateaux. Avec mon équipe, on s’assure que tout soit rangé et qu’on arbore les pavillons officiels tout en finalisant la préparation du bateau. Ça peut être du petit entretien, du fine tuning, du carénage de la coque… ainsi que les approvisionnements et le matériel technique embarqué pour assurer les potentielles réparations en mer. C’est la date de départ des courses qui définit la fin des travaux. Dans ce cas de figure, on a la même équipe qu’en période de chantier, voire plus restreinte suivant l’importance de la course.

Quel est ton parcours ?

J’ai fait ma première transatlantique à 17 ans. Mon parcours est un peu atypique. J’ai suivi une formation dans une école hôtelière dans le Nord de la France et en Belgique, ce qui m’a permis de voyager et de faire du charter sur des gros bateaux de propriétaires. Ça m’a appris à gérer l’aspect technique de ces voiliers. Il y avait beaucoup de technologies embarquées, de systèmes hydrauliques. C’était une très bonne expérience qui m’a servi par la suite. A l’époque, la voile m’apportait beaucoup de plaisir mais je n’arrivais pas à en vivre. Je n’habitais pas en Bretagne et la course au large n’était pas professionnalisée dans d’autres régions. Je la pratiquais en loisir. J’ai passé une quinzaine d’années en Corse. On avait une paillote dans le Sud Est de Porto-Vecchio qui est rapidement devenu un restaurant de poissons . C’est après un tour du monde de deux ans que j’ai créé une table à la ferme toujours dans la région de Porto-Vecchio où je faisais du maraîchage et de l’élevage porcin. J’ai décidé ensuite de faire de la course au large mon métier. J’ai fait deux tours du monde en multicoque comme l’Oryx Cup. J’ai notamment été le Boat Captain de Tracy Edwards. On avait géré tout le refit de son bateau en Angleterre et au Qatar. J’ai été aussi équipier et technicien composite sur Playstation après The Race à Barcelone, en 2002. Puis j’ai fait une campagne aux États-Unis avec Ryan Breymaier sur l’ancien Groupama 3. J’ai commencé à travailler avec Roland Jourdain en 2006, avant la Barcelona World Race. J’ai travaillé huit ans chez Kaïros,avec qui nous avons récupéré l’ex-SAFRAN de Marc Guillemot. C’était le premier foiler. Quand le bateau a été mis en vente, on a rencontré Yannick Bestaven, qui l’a racheté. Il a fallu organiser une passation de savoir car Yannick avait besoin de prendre le bateau en main. On a commencé à travailler ensemble. On s’est plutôt bien entendus. Le projet a été un peu plus loin. On l’a poussé jusqu’à la Route du Rhum, puis la Transat Jacques Vabre et enfin jusqu’au Vendée Globe. Un an avant le dernier Vendée Globe, j’ai quitté Kaïros et suis passé à plein temps chez YB Sailing avec Yannick.

Que conseillerais-tu à un jeune qui voudrait devenir Boat Captain ?

Pour devenir Boat Captain, il faut de la persévérance, des compétences de l’organisation et de la polyvalence. Il n’y a pas besoin d’être bon dans un domaine spécifique, mais il ne faut être mauvais dans aucun. L’idéal est de sauter de bateau en bateau. Le fait d’avoir beaucoup navigué et travaillé sur de très gros bateaux me permet de mieux comprendre les problématiques des navigants. Globalement, on peut soit être autodidacte, soit passer par la case école. Si on n’a pas fait d’études spécifiques, il faut aller frapper aux portes et commencer par faire un des postes de préparateur. A titre d’exemple, on travaillait avec Adrien Bernard il y a quatre ans. Il avait un petit bagage composite mais surtout une envie de travailler débordante. Il est arrivé le couteau entre les dents et a très vite appris. Aujourd’hui, c’est le Boat Captain d’ARKEA-Paprec. Là on parle d’une évolution fulgurante, mais ça montre que tout est possible. Sinon, on peut commencer par une formation composite. Aujourd’hui, il y a de plus en plus d’écoles comme l’INB qui forment au métier de préparateur, ce qui n’existait pas auparavant. Arriver avec un BE ou un certain niveau d’études peut permettre d’intégrer un team à un poste un peu plus élevé. Après, il y a plusieurs sortes de Boat Captain : celui qui met les mains dans la colle avec ses gars et celui qui est derrière sa vitre au bureau et gère l’équipe en envoyant des job lists par le biais de son téléphone sur un logiciel de gestion d’équipe. Il y a aussi deux écoles : le cahier et le crayon ou l’ordinateur et le logiciel de gestion de planning, de job lists. Aujourd’hui, on est obligé de jouer un peu sur les deux tableaux. Personnellement, je travaille à l’ancienne avec un cahier et je fais toujours les plans à la main parce que je n’ai pas la formation 3D que tout le monde maîtrise aujourd’hui.

Quel est ton plus beau souvenir avec l’équipe Maître CoQ ?

La victoire sur le Vendée Globe, évidemment. C’était une victoire collective, une récompense pour toute l’équipe qui a fait un boulot acharné pendant des mois. On n’avait rien oublié, on avait un plan B pour tout, ce qui nous a permis de contourner chaque problème et faire avancer le bateau quoiqu’il arrive. L’équipe était expérimentée. Et il faut aussi souligner que lorsque Maître CoQ a acheté SAFRAN, on avait déjà effectué un gros travail dessus avec Kaïros. Tout ce qui devait casser avait déjà cassé. Le bateau avait quatre ans de préparation derrière lui. Le deuxième cadeau que nous a fait Yannick, après sa victoire, c’est d’avoir invité toute l’équipe au ski. J’en garde un super souvenir. Notre force et le secret de notre réussite, c’est l’humain et l’humilité. On se serre tous les coudes. On se connaît tous très bien et on s’entend bien. On peut travailler la semaine ensemble et se voir pour un BBQ ou une session de surf ou Wing foils le week-end.