Jérémie Beyou, entre course et prudence

14 décembre 2016

Entré lundi dans le Pacifique, Jérémie Beyou vit un milieu de sixième semaine de Vendée Globe agité, à cause d’une forte dépression arrivée de l’ouest qui l’oblige à la plus grande prudence et à privilégier la sécurité de son bateau, donc la sienne. Au classement, le skipper de Maître CoQ reste quatrième, mais s’est rapproché de Paul Meilhat (3ème sur SMA).

Aerial image bank while training for the Vendee Globe of IMOCA Maitre COQ, skipper Jeremie Beyou (FRA), off Belle-Ile, on june 13, 2016 - Photo Francois Van Malleghem / DPPI  / Maitre Coq

C’est parti pour le grand désert Pacifique ! Passé mardi au ras des îles néo-zélandaises Auckland, dernier archipel avant le Cap Horn, Jérémie Beyou est entré dans le vif du sujet de l’océan Pacifique qui n’a jamais aussi mal porté son nom. En effet, cette entrée en matière s’avère plus que tonique en raison de l’arrivée dans son dos d’une grosse dépression. Profitant de conditions alors encore « maniables » malgré l’instabilité du vent, le skipper de Maître CoQ s’est organisé en conséquence mardi, faisant le tour de son bateau pour bien vérifier que rien ne traîne au moment de l’arrivée mercredi de ce front passé auparavant sur Yann Eliès et Jean Le Cam, actuellement 5e et 6e du Vendée Globe.

Dans ces conditions, comme l’a écrit en grand Jérémie dans son bateau, « safety first », à savoir la sécurité prime sur le reste, l’objectif étant de faire le dos rond pour laisser passer le plus gros du front. Mercredi en fin de matinée, c’est dans du vent de travers de plus de 40 nœuds, avec rafales proches de 50 dans les grains, que l’IMOCA60’, foil tribord remonté, évoluait sous voilure extrêmement réduite, confronté à une mer formée – creux de 5 mètres et crêtes des vagues fumantes – et surtout croisée. Le tout dans un décor de fin du monde, dominé par le gris foncé, au point que le skipper avait du mal à distinguer le jour et la nuit… Ce gros coup de vent passé, sans doute jeudi matin, Jérémie Beyou compte bien repasser en mode course et rester à l’avant de cette dépression pour poursuivre sa route à vive allure vers le Cap Horn.

Car s’il est toujours handicapé par ses problèmes de réception satellite qui l’empêchent de faire de la stratégie à long terme – il reçoit un (parfois deux) fichier météo par jour en plus des bulletins sécurité de la direction de course -, le Finistérien n’en mène pas moins une vraie régate, décidé à se battre pour le podium de ce Vendée Globe. Toujours à la lutte pour la troisième place avec Paul Meilhat, il s’est ainsi considérablement rapproché du skipper de SMA entre mardi et mercredi, réduisant son écart de moitié (de 120 à 60 milles) en un peu plus de 24 heures. Preuve une nouvelle fois que malgré ses déboires passés et sa volonté affichée de faire sa course au jour le jour, sans trop se focaliser sur les autres, Jérémie Beyou ne lâche rien et qu’il a réellement trouvé son rythme sur cette course décidément pas comme les autres…

LE MOT DU BORD DE JEREMIE CE MERCREDI 14/12
« Aller vite sans se casser une patte »

« Welcome ! J’ai une bonne connexion Iridium, j’ai pu charger deux gribs, c’est la fête ! Joli accueil dans le Pacifique : quarante nœuds de vent travers avec quelques grains. Sympa. Trois ris dans la GV et J3. Le foil est rangé depuis ce matin, j’ai bien rempli les ballasts pour asseoir le bateau dans la mer qui commence à être bien formée et surtout croisée.

Je ne sais pas ce que je fous devant mon ordi à vous écrire ? Ca fait des heures que je suis dehors à régler, peut être besoin de breaker deux minutes ? Le pilote a l’air de faire le boulot. Je pense que je passe le plus fort maintenant, ensuite il faudra cavaler devant la dépression pour ne pas se faire croquer. C’est le jeu malin du chat et de la souris : aller vite sans se casser une patte.

Je voudrais pouvoir vous envoyer des images du paysage dehors : ambiance de fin du monde avant l’apocalypse. C’est gris, on ne distingue pas le jour de la nuit. La crête des vagues fume depuis de nombreuses heures, signe que le vent, même en bas, a dépassé les 35 nœuds. C’est un drôle de sentiment, peur de faire une connerie, de casser un truc et de se faire manger, et en même temps cette adrénaline d’être là à défier les éléments. Les vagues de face stoppent le bateau pendant que celles du nord, plus rapides, viennent se fracasser dessous la coque gitée. Ambiance shaker.

Sale coin. Sur la carte, dans mon nord, je vois Antipodes Islands et Bounty Island. Je sais que la Nouvelle Zélande est un pays fabuleux. Il n’empêche, c’est un sale coin. L’entrée dans le Pacifique est donc fracassante. J’espère que la suite sera plus clémente, que le tapis rouge qui se déroule devant Armel et Alex depuis l’Atlantique va s’offrir maintenant à nous. Et puis devant Yann aussi, il ne l’aura pas volé.

Putain de course de dingue, il n’y a qu’au Vendée Globe que tu vis ça. Aloha ! Jérémie. »