Jérémie Beyou : « Cette quatrième place, je la prends ! »

25 juin 2015

Quatrième de l’édition 2015 de la Solitaire du Figaro Eric Bompard cachemire, Jérémie Beyou n’est pas parvenu à devenir le premier à remporter l’épreuve quatre fois. S’il s’avoue déçu de finir au pied du podium, conscient d’avoir navigué un cran au-dessous des trois premiers, le skipper de Maître CoQ préfère retenir le positif : il estime ainsi que même dans une forme moins étincelante que l’année dernière, il a « fait le métier » et n’a jamais abdiqué tant physiquement que psychologiquement.

Jérémie, quel est votre sentiment après votre arrivée au 9e rang de la quatrième et dernière étape à Dieppe ?

Je prends un bon départ, je tricote bien au début sur le plan d’eau, je sors en bonne position de la baie de Torbay, je me positionne au large et là, nous prenons une grosse droite (bascule de vent, ndlr) sous un nuage qui est favorable à Xavier Macaire. De dernier, il se retrouve premier et au petit matin de la première nuit, il bénéficie d’un front passé plus vite que ce qui était prévu, cela lui permet de creuser un écart décisif. A chaque fois qu’il y a eu des passages à niveau, je me suis fait recoller par ceux de derrière, tandis que lui a toujours réussi à garder son écart. Xavier a fait une très belle Solitaire, s’il n’avait pas fait d’erreurs de parcours, en naviguant dans une zone interdite, il aurait gagné le général (*). Finalement c’est Yann qui remporte la Solitaire et je l’en félicite. Il nous rejoint dans le cercle fermé des triples vainqueurs !

A l’arrivée, vous terminez quatrième au général, quel bilan faites-vous de cette Solitaire ?

Quand tu as gagné l’année précédente, tu t’attends forcément à faire aussi bien, donc évidemment, je suis déçu. Cela rappelle combien il est difficile de gagner une Solitaire ! Comme dans une bonne recette de Maître Coq, il faut les bons ingrédients et sur cette édition, tout n’y était pas. Ce n’est pas une question de motivation, mais tout ne s’est pas goupillé comme dans un rêve. Je n’ai jamais été complètement fluide, il y a toujours eu un contretemps pour m’empêcher d’être dans les bons coups. Parfois, je n’allais pas assez vite pour sortir du paquet, dans d’autres situations, je n’ai pas toujours eu la bonne inspiration ni le positionnement magique. Malgré cela, je finis quatrième. Au regard de ce qu’il me manquait par rapport aux années où j’ai gagné, je me dis que finalement, ce n’est pas si mal. Cette quatrième place au général, je la prends !

Avez-vous des regrets ?

Il y a certes un peu de déception de ne pas être dans les trois premiers, mais je suis juste derrière, je suis le meilleur de ceux qui n’ont pas animé la course, sachant que Yann, Charlie et Xavier étaient un peu au-dessus du lot cette année. Après, je me doutais que cela allait être compliqué avec mon genou (opéré un mois avant le départ de la Solitaire, ndlr). Je n’ai pas eu mal mais j’ai été bloqué sur certains gestes, j’ai parfois tout fait au ralenti à quatre pattes et il y a des efforts que je ne me suis pas infligés assez souvent, comme me mettre à genou dans la jupe pour retirer les algues. Maintenant, je ne me cherche pas d’excuses là-dessus, j’ai eu de la réussite l’année dernière, elle n’était pas avec moi cette année, mais tout n’est pas à jeter, ce n’est pas comme si j’avais fait dixième ou quinzième. Si je regarde mes trois dernières années, je finis cinquième en 2013, premier en 2014, quatrième cette année, le bilan est positif, et je reviendrai !

Psychologiquement, vous n’avez jamais décroché, comment avez-vous vécu intérieurement cette Solitaire ?

J’ai encore appris plein de choses ! Je suis allé chercher des ressources au fond de moi, psychologiques surtout. Quand les choses ne tournent pas comme tu l’entends, il faut être fort dans la tête pour ne pas lâcher. Sur la fin de cette dernière étape, à un moment, je pars au large et je me rends compte que ça passe à terre. Dans un tel cas, soit tu restes avec ton ego et tu t’entêtes, mais tu es sûr de perdre encore plus de temps, soit tu mets un mouchoir sur ton ego et tu vas traverser le plan d’eau derrière tous les mecs qui étaient deux milles derrière toi. C’est ce que j’ai fait et je suis reparti au combat, en cherchant à contrôler mes principaux adversaires au général, comme Gwénolé (Gahinet, qu’il a dépossédé de la quatrième place au général sur cette ultime étape, ndlr). Je pense que sur cette Solitaire, sans être brillant, j’ai fait le métier. Pour faire le parallèle avec un match de foot, je dirais que l’attaque n’a pas été flamboyante mais la défense a été béton.

La suite du programme ?

Je vais profiter de trois-quatre jours de repos ici en famille et je prends le départ la semaine prochaine du Tour de France à la Voile, avec ma joyeuse bande de Marseillais (**). L’enchaînement est court, mais je ne vais pas à la mine ! Au contraire, je suis content de passer du solitaire à de l’équipage, sur un support différent et plus ludique.

(*) Une réclamation a été portée à l’encontre de Xavier Macaire, vainqueur de la dernière étape et premier au général, l’intéressé ayant brièvement traversé une zone interdite. Le jury a décidé d’infliger une pénalité d’1h à Xavier Macaire, ce qui le fait passer à la 3ème place du classement général.

(**) L’équipage de Maître CoQ sur le Tour de France comprend notamment deux marins marseillais, Christopher Pratt et Dimitri Deruelle.