Jérémie Beyou 2e de la Route du Rhum : je suis allé au bout du bout

15 novembre 2014

À 2h11 (heure de Paris) ce samedi, Jérémie Beyou a coupé la ligne d’arrivée de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 2e position de la catégorie des Imoca. « C’était vraiment dur… » a-t-il soufflé dans un large sourire, vidé mais heureux à son arrivée à Pointe à Pitre.
 Il y avait de l’émotion, une profonde fatigue et énormément de satisfaction à venir dans les yeux du skipper Maître CoQ. Il lui faudra en effet un peu de temps pour digérer cette épreuve pas comme les autres… Mais il peut d’ores et déjà savourer une saison 2014 exceptionnelle, marquée par un troisième titre sur la Solitaire du Figaro en juillet dernier et par cette très belle 2e place sur la mythique Route du Rhum.

Cette deuxième place sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe, n’est rien de moins que le 6e podium de Jérémie Beyou en un an. Depuis 2013, ce régatier acharné mène en effet de front et avec succès, deux saisons sportives de très haut niveau, en Figaro Bénéteau et en Imoca… avec succès. Ce soir, ce coureur au large et chef de sa propre entreprise peut être fier du travail accompli.

Les premiers mots de Jérémie Beyou à son arrivée à Pointe à Pitre
« Je suis vidé… Je suis allé au bout du bout. Dès le début de la course, j’ai eu des pépins techniques. Mais c’est de toute façon extrêmement intense physiquement sur ces bateaux-là. Tout est lourd. La moindre manœuvre demande une énergie folle. Là, par exemple, sur le tour de l’île, toutes les voiles y sont passées !
C’est une belle deuxième place. Ce que je retiens, c’est que j’ai été à la lutte et dans le match du début à la fin et, surtout, j’ai fait ma route. J’ai fait de bons coups stratégiques. L’idée était d’être offensif sachant que François était plus rapide que moi, mais ça n’a pas suffi ! Bravo à lui !! »

Tu viens d’enchaîner une victoire de Solitaire du Figaro et une 2e place sur la Route du Rhum…
Jérémie Beyou : « La grosse satisfaction, c’est effectivement l’ensemble de la saison. Surtout qu’au retour de la Solitaire du Figaro, j’étais franchement épuisé. Je n’avais plus d’énergie. Il a fallu se ressaisir … Mon préparateur physique m’a super bien coaché, mais le bonhomme était fatigué. Je tiens à saluer aussi le super travail de toute l’équipe technique.
Mener deux saisons de front n’est pas facile, mais le challenge est beau et intéressant. Répéter ses gammes, toute l’année, en Figaro, se confronter à d’autres concurrents, c’est la meilleure façon d’acquérir de l’expérience et de s’enrichir techniquement. C’est une de mes forces. »

Le premier souvenir de cette Route du Rhum – Destination Guadeloupe qui te vient à l’esprit ?
Jérémie Beyou : « C’était dur. Le meilleur moment : c’est maintenant ! Les bonnes nouvelles, elles venaient du classement quand tu avais fait une bonne option, mais jamais du bateau. Ce sont des engins hyper rudes à mener en solitaire. On ne fait que de la gestion technique, de la conduite. La stratégie passe presque au second plan. »

Les différences de potentiel de performance entre les bateaux ont joué…
Jérémie Beyou : « On savait depuis l’an dernier qu’il y avait un delta de vitesse avec Macif. Mais nous n’avons pas fait le choix d’optimisations aussi poussées que PRB, pour deux raisons : pour attendre le verdict de la Route du Rhum et pour des raisons budgétaires.
Je regrette vraiment que Vincent (Vincent Riou, skipper de PRB) ne soit pas à l’arrivée, parce que quand il est là, il performe toujours.
Depuis deux ans, nous avons travaillé dans l’objectif de la Transat Jacques Vabre, de la Solitaire du Figaro et de la Route du Rhum. Le Vendée Globe, ça va venir maintenant… »

La fête bat son plein à Pointe à Pitre en l’honneur des skippers de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe : ce n’est pas une arrivée comme les autres ?
Jérémie Beyou : « C’est magique ! Le monde sur l’eau, les lumières, la fête, la darse noire de monde… C’est une grande émotion ! Je n’imaginais pas que ce serait aussi fort que ça. »

Tu repartiras sur la Route du Rhum ?
Jérémie Beyou : « Oui ! Sans aucune hésitation. »
 

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La Route du Rhum de Jérémie Beyou

Sortie de Manche en mode bricolage
Dès le départ, Jérémie Beyou est handicapé par un souci technique : le système de fixation de son safran bâbord a lâché. Le safran remontait tout seul. Le skipper Maître CoQ passe de précieuses heures à effectuer une réparation dès la première nuit de course, en plein coup de vent et alors qu’il faut se placer pour négocier un système dépressionnaire. Ce premier pépin technique réglé, Jérémie reprend aussitôt son rythme de course.

Ascension à risques
Le 4 novembre, à J + 2, il déchire son J2 (voile d’avant). Au-delà de la perte de cette voile cruciale pour la suite de la course, Jérémie doit régler un problème de taille : neutraliser les lambeaux de voile qui battaient au vent, à 25 m de haut, et mettaient son mât en danger. La seule solution est de grimper tout en haut de l’étai fixe qui porte cette voile d’avant, pour couper ces morceaux de tissu et neutraliser le reste. La mer est alors encore très formée, le vent fort : Jérémie tente malgré tout, par deux fois, cette opération, sans succès. La troisième, à la faveur d’une accalmie, sera la bonne. Le skipper Maître CoQ réalise là un exploit physique et mental. Il est allé chercher loin dans ses ressources personnelles. Epuisé mais soulagé, il peut à nouveau reprendre sa course. Nous sommes le 5 novembre et la flotte évolue dans le nord-est des Açores.

Alizés orageux
Privé de son J2, Jérémie perd du terrain sur François Gabart, il aura jusqu’à une cinquantaine de milles de retard. Il joue alors un joli coup qui le ramène à moins de dix milles du leader !
La pression monte entre eux, et une course de vitesse débute entre les deux solitaires. Pendant une semaine, à 30 – 40 milles de la tête de flotte, il exploite au mieux son Imoca dans des conditions très irrégulières.
Puis il tombe dans une zone très perturbée. La nuit, de violents orages accompagnés de vents forts le contraignent à lever le pied.

Never surender…
À 24 heures de l’arrivée, Jérémie, alors à une petite centaine de milles du leader, reste concentré sur la performance et tente une option tactique efficace qui réduit de moitié son retard. Chapeau bas !